Davor classait lentement quelques papiers, sans le moindre entrain, mais juste par acquis de conscience en fait. Il n'avait pas touché aux affaires d'Elliandra, à aucune d'entre elles, pas parce qu'il ne pensait plus à elle, mais par respect pour ce qu'ils avaient vécu, histoire cristallisé désormais et que plus rien ne pourrait changer. Aucun bruit, hormis celui des parchemins qui se frôlent, qui se froissent, se plient et se chiffonnent, aucun bruit ne venait troubler la quiétude qui régnait au château de Pouzauges. Quiétude, ou silence pesant, selon le point de vue, et celui de Davor était plus proche du deuxième que du premier.
Alors qu'il terminait de classer quelques missives, reçues il y a fort longtemps, lorsqu'il était Capitaine sous le règne de Son Infinie Grandeur Faooeit de Surgères, un garde arriva en courant, ouvrant brutalement la porte de son bureau, faisant sursauter le Baron qui laissa échapper tous les parchemins qu'il tenait en main. Tout un tas de parchemins bien classés... ou plutôt, qui étaient bien classés...
Jetant un coup d'oeil furieux au garde, il s'apprêtait à le tancer vertement, lorsque celui-ci le coupa dans son élan.
Votre fils... Il est tombé...
Davor resta immobile, interdit, pétrifié, quelques instants, qui lui parurent être une éternité. Son fils... Elli... son fils... Elli et son fils, son fils et Elli... Non, là... ce... ça ne pouvait pas... ce n'était pas possible... c'était trop là... Reprenant ses esprits avec difficulté, il sortit de son bureau en marchant à grandes enjambées, à la suite du garde, puis se mit finalement à courir, traversant les couloirs du chateau d'un trait. Le garde l'amena jusqu'au rempart concerné, rempart que Davor gravit en grimpant les marches quatre à quatre. Arrivé en haut, il hésita une seconde. Regarder, ne pas regarder ?
Il se pencha finalement, et se rejeta aussitôt en arrière, le souffle court, les yeux vides et hagards. S'affalant contre le parapet du rempart, ce rempart censé les protéger et qui au final avait choisi de lui prendre son fils, il se prit la tête à deux mains et resta là prostré de longues minutes, indifférent à ce qui pouvait se passer autour de lui, sans se soucier du garde qui devait être en train de le regarder, sans oser le déranger.